France, 09/09/2018, Srs. María Esperanza Olarte-Mateus et Pascale Moisy.- Un pèlerinage sur la route de l’abolition de l’esclavage en France a été proposé par Sr. Véronique MARGRON, provinciale de France et son conseil. Celui-ci a eu lieu du 26 août au 1 septembre de cette année, Dix sœurs de la province y ont participé.
Cette route a été lancée, en 2004, dans le cadre de « l’année internationale de commémoration de la lutte contre l’esclavage et de son abolition ». Elle s’inscrit dans un projet international : la « Route de l’esclavage » de l’UNESCO. Elle a pour objectif de faire mémoire tout en se voulant être la représentation de la loi du 10 mai 2001 adoptée en France, loi qui invite « à la reconnaissance de la traite négrière et de l’esclavage comme un crime contre l’humanité ». Le pèlerinage ou « route de l’esclavage » comprend cinq étapes qui se déploient dans la région du Grand Est de la France. A chacune d’elles, nous avons eu l’opportunité de découvrir une figure emblématique dans la lutte pour l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises au XVIII et XIXième siècle.
Notre première étape s’est déroulée à Chamblanc, petit village où vécut Sr Anne Marie Javouhay, fondatrice de la Congrégation des Soeurs de Saint Joseph de Cluny. En 1828, à la demande de l’Etat, celle-ci part en Guyane car l’Etat la sollicite pour une nouvelle mission : accompagner et former 149 esclaves affranchis afin de leurs faciliter leur future intégration dans la société au moment de leur libération totale. En mémoire de cette mission et de son engagement pour l’abolition de l’esclavage, les maires des villages de Chamblanc, Suerre et Jallages (villages liés à la vie de Sœur Anne-Marie) eurent, en 2010, l’initiative de planter des arbres en mémoire de ces esclaves. En chacun des trois villages, 49 arbres furent plantés. Et au pied de chaque arbre fut placée une petite pancarte indiquant le nom de l’esclave libéré au temps de Sr. Anne-Marie Javouhay.
Trois jours plus tard, nous partons vers le Château de Joux se localisant à Pontalier dans le Doubs. Là, nous avons l’honneur de découvrir la figure de Toussaint Louverture, esclave, Haïtien affranchi, qui devint leader principal de la lutte contre l’esclavage en son pays. Pour cette raison, sous l’ordre de Napoléon, il fut arrêté, conduit et emprisonné au château de Joux. Malheureusement, il ne résistera pas au rude hiver de l’est de la France et mourra dans sa geôle le 7 avril 1803. Il est intéressant de noter que l’île d’Haïti sera proclamée indépendante de la France, une année après sa mort et deviendra la première république noire de l’histoire du monde.
Nous quittons ensuite le château fortifié pour partir à la découverte, pendant trois jours, des figures de Victor Schoeler, la maison de la négritude (village de Champagney et de l’abbé Grégoire. Dans le village de Fessenheim situé dans le département du Haut-Rhin, nous faisons connaissance de l’auteur du décret de l’abolition de l’esclavage de 1848, à savoir Victor Schoelcher. Un espace-musée retrace sa vie et met en lumière ses nombreux combats pour les Droits de tout homme (homme, femme, enfant) à la dignité, au travail, au repos... Toute sa vie est dédiée à cette lutte et demeure un modèle pour nous. Puis nous sommes allées à Champagney, modeste village en Haute-Saône, qui, en 1789, dans les cahiers de doléance, manifeste au roi de France Louis XVI son désaccord avec l’esclavage des noirs et en demande son abolition.
« La Maison de la négritude », située dans le centre du village, fait mémoire de l’esclavage des noirs et de son abolition dans les colonies françaises. Cette maison a pour vocation également, d’être un lieu de réflexion sur l’actualité des Droits de l’Homme et sur la lutte qui existe encore de nos jours contre l’esclavage de tout type dans le monde. La dernière étape de notre pèlerinage prit place dans un petit village de France du nom d’Embermenil en Meurthe et Moselle, tout près de la frontière allemande. Celui-ci n’est pas plus grand que Sainville (Eure-et Loir). A peine 215 habitants y sont recensés. C’est un tout petit village mais un village qui rend hommage à l’abbé Grégoire, grand défenseur de l’abolition de l’esclavage !! Mais qui est l’abbé Grégoire ? Henri-Jean-Baptiste Grégoire, plus connu sous le nom de l’abbé Grégoire fut curé de ce village de 1782 à 1789, s’engage très jeune dans toutes sortes de luttes en faveur de l’humanité - contre l’oppression de la femme, des juifs en France, des esclaves, de la liberté de cultes, mais est aussi connu pour ses positions dans les débats sur l’éducation et l’égalité des races.
Et en extra... deux visites de lieux culturels hors de la route de l’abolition de l’esclavage. Sur notre route, au milieu d’une nature magnifique entre montagnes et forêts, nous avons eu la joie de profiter de deux haltes spirituelles : la première eut lieu à l’abbaye de Cîteaux, berceau de l’Ordre des Cisterciens fondé en ce même lieu en 1098. Nous participâmes à l’eucharistie. Puis le frère Gérard, membre du monastère, nous fit découvrir l’immense richesse historique et spirituelle de ce lieu en nous invitant à parcourir avec lui les jardins et dépendances du monastère.
Notre deuxième et dernière visite hors de la route de l’abolition de l’esclavage, nous a conduit à la Chapelle de Ronchamp en Haute-Saône, sanctuaire marial de Notre Dame du Haut. Celle-ci, de style architectural moderne, fut construite en 1955 par l’illustre architecte Le Corbusier. Deux importantes processions mariales y ont lieu : celle du 15 aout et celle du 8 septembre. En 2011, sur les flancs de cette colline, l’architecte Renzo Piano enrichit le site en construisant pour la communauté des Sœurs clarisses le monastère Sainte Claire. Depuis 2016, cet ensemble contemporain fait partie du patrimoine de l’UNESCO.
Le pèlerinage est maintenant terminé... mais l’esclavage, lui, perdure encore aujourd’hui de diverses manières. Il est loin d’avoir hélas disparu. Notre monde a besoin d’hommes et de femmes capables de faire entendre leur voix dans tous les lieux où se jouent la vie et la dignité de l’Homme.