Tours (France), Sr. Rosario Amelia Garcés del Castillo.- Les évêques de France et Mgr. Celestino Migliore, nonce apostolique se sont réunis à Lourdes pour l’Assemblée plénière d’automne, du mardi 2 novembre au lundi 8 novembre.
De nombreux invités se sont unis aux évêques lors des différentes séquences de cette Assemblée qui a réuni au total près de 300 participants, dont Sr. Véronique Margron, en sa qualité de présidente de la Corref (Conférence de religieux et religieuses de France).
Largement consacrée à la réflexion et au travail lié à la réception du rapport de la CIASE (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église), l’Assemblée fut également marquée par la séquence liée aux enjeux écologiques « Clameur de la Terre et clameur des pauvres », les mercredi 3 et jeudi 4 novembre. Il y fut notamment rappelé combien les personnes en situation de précarité sont les premières victimes de la crise écologique.
Le vendredi 5 novembre les évêques ont reconnu la responsabilité institutionnelle de l’Église dans les violences subies par les personnes victimes des agressions sexuelles.
Dans une ambiance de circonspection et recueillement, le 6 novembre, les 120 évêques français ont participé avec de victimes et de laïcs invités pour l’occasion à une célébration qui s’est déroulée en deux temps : commémoratif devant une photo dévoilée d’une sculpture d’un enfant qui pleure et pénitentiel devant le parvis de la basilique Notre-Dame du Rosaire.
Voici les prises de parole de Sœur Véronique, lors du temps commémoratif et pénitentiel pour les victimes d’abus sexuels :
https://youtu.be/PMdvt2De2u4 (min 16' et min 54'18).
Temps mémoriel
Tout est là dans ces mots et ce visage.
Alors peut-être, pauvrement, humblement, les scruter lentement.
Être, demeurer frapper de stupeur par la souffrance en excès de ce visage, de cette larme, de ces yeux qui implorent. Un malheur, un effondrement ont été imposés, ont fait intrusion dans des existences qui ne demandaient qu’à grandir, vivre faire confiance, se donner.
La parole interdite au dehors comme au-dedans de cet enfant bouleversant, m’assigne, me convoque, m’oblige à être enfin dé-préoccupée de moi-même, de nous-mêmes, de nos Maisons, nos richesses en tout genre, nos affirmations, afin que toute notre énergie soit uniquement du côté de son trop de solitude qui implore notre vérité, notre présence pour de vrai, notre réponse. Pour lui rendre enfin justice. Grâce à lui, à son visage qui implore, grâce au don de la parole des victimes et des témoins de cette douleur irreprésentable, apprendre à reconnaître le mal, à nommer ce qui fait mourir, à nommer le meurtre de l’âme commis dans nos communautés croyantes, par nos membres, clercs, religieux, religieuses, laïcs, et avoir alors comme unique angoisse le soin des larmes. Apprendre à reconnaître la parole corrompue, la foi au Dieu vivant dévoyée, défigurée. Comment survivre si cet enfant, dans son enfance, comme dans sa vie d’adulte, ne trouve pas auprès de lui quelques humains capables d’honorer sa confiance, sa vie ? C’est bien lui, en son immense vulnérabilité, en son exposition sans défense, qui exige que nous soyons enfin fiables, vrais, humains, dans les profondeurs de son chagrin.
Que cet intense visage de l’enfance humiliée me poursuive, nous hante même, chacun de nous, qui portons une responsabilité, d’une façon ou d’une autre, jusqu’à ce que nous ayons fait se rencontrer la justice et la vérité. De toutes les façons qu’il continue de m’habiter, de me déranger, veilleur silencieux et insistant de mon propre cœur, de mon engagement en faveur des « droits humains à protection absolue », afin que, petit ou grand manipulé, traité en objet, chacun puisse dans mon Eglise, dans ma communauté, devenir un « grandissant », un sujet libre de sa vie de la plus haute dignité, simplement.
Sr. Véronique Margron, op., présidente de CORREF
Temps pénitentiel
Mon Dieu, des hommes, des femmes, ont commis non seulement l’injustifiable mais surtout l’intolérable. Ton Église a été, est, le lieu de crimes contre l’humanité du sujet. Te supplier, toi mon Dieu, paraît alors presque trop petit, trop peu. Supplier alors aussi chacune des personnes dont la vie a été, est plongée dans les abîmes des enfers, car vous êtes, elles sont, ton visage, mon Dieu, toi le Dieu humilié, méprisé, crucifié.
Être pris en pitié, implorer tes entrailles mon Dieu, promettant de faire œuvre de justice. Supplier que nous soyons pris en pitié en demeurant au pied de la Croix. Nous ne pouvons descendre dans les enfers où chaque vie d’enfant, d’adulte rendu vulnérable, a été précipitée. Mais demander la force autant que la grâce de nous tenir à la porte, au bord du tombeau et là te supplier toi Dieu très bas, qui seul peux descendre dans ces ténèbres et en fracasser la porte. Toi qui seul peux nous délivrer, nous aussi, du mal que nous avons commis contre la vie, l’intégrité, la dignité, la confiance, la foi de chaque existence, meurtrie, une par une, l’une après l’autre, visage défiguré après visage défiguré. Nous en arracher, de ce mal commis, et fortifier notre pauvre courage pour un jour peut-être entendre cette parole de grâce, que Joseph, après avoir enterré son père Jacob offrit à ses frères qui l’avaient pourtant vendu comme esclave, réduit comme un objet : « Vous aviez voulu me faire du mal, Dieu a voulu le changer en bien, afin d’accomplir ce qui se réalise aujourd’hui : préserver la vie d’un peuple nombreux. » (Gn 50, 20)
Sr. Véronique Margron, op., présidente de CORREF