As-tu tellement de pouvoir pour déterminer notre liberté, nos espaces et nos temps... tu désacralises et déshumanises... ?

on 29 Jui, 2022
Affichages : 1027

Province de El Carïbe, 24/06/2022, Sr. Nícida Amparo Díaz Leal.- L'article suivant est une réflexion sur la réunion inter-congrégations de formation des sœurs en vœux temporaires, qui dans leurs réflexions ont exprimé la préoccupation suivante : " Nous sommes préoccupées par l'utilisation compulsive du téléphone portable chez certaines de nos sœurs de communauté, il n'y a pas de discernement personnel et il est justifié de l'avoir, à temps et à contretemps, avec le travail pastoral et les différents engagements que l'on a...Il est devenu le compagnon quotidien de la vie et cela nous déconcerte car nous perdons les référents qui nous aident à forger notre volonté, notre responsabilité et notre liberté" (Groupe inter congrégations de juniors, mai 2022. Venezuela)

C'est à la lumière de cette préoccupation partagée par plusieurs congrégations que j'écris l'article suivant, car je crois qu'il serait bon pour nous de réfléchir à cette question qui touche les relations, qui sont la médiation la plus sacrée entre Dieu et ses fils et filles. Je crois qu'il s'agit également d'un engagement inévitable en raison du défi que nous nous sommes fixé dans le cadre de JPIC au niveau interprovincial : " Répondre par notre vie et nos actions à tout ce qui peut restaurer la dignité humaine, en dénonçant les abus qui menacent la vie, avec des actions évidentes de justice et de paix, pour la défense de la vie et le soin de la maison commune " (55e CG 2019. P. 14). Un défi que nous devons vivre dans tous les endroits où nous nous trouvons, que ce soit dans notre Congrégation ou en inter-congrégation.

Déshumaniser la réalité :

L'utilisation du téléphone portable est devenue une dynamique déshumanisante dans les relations ; ce petit appareil détermine notre style de vie, affecte notre temps, nos espaces et notre liberté ; nous ne savons plus comment bouger sinon de notre relation avec lui, de telle sorte que les espaces sacrés de nos relations se détériorent, se désacralisent ; nous ne discernons ni le temps, ni les lieux, pour le bon usage de ce petit appareil : Avec lui, nous allons à la chapelle, nous sommes dans la salle à manger, à une réunion communautaire ou à une réunion de réflexion ou de retraite ; il sonne, nous sortons ou nous nous déridons en répondant ou en regardant des messages... C'est une idole que l'ordre établi nous impose pour nous éloigner et créer des ruptures relationnelles. Au lieu de rencontres, il impose des malentendus...

Il nous impose un mode de vie pour nous briser de l'intérieur, nous stresser, nous diviser et nous déshumaniser. Un petit appareil qui a une grande force dominante sur notre volonté et notre liberté et qui, en plus, nous ferme la possibilité de créer une nouvelle façon de nous organiser pour qu'il ne détermine pas notre vie ; et au lieu de nous dominer, nous le dominons en sauvant ce qui est le plus sacré, à savoir la rencontre de Dieu avec nous et entre nous, en sauvant la charité fraternelle, dans l'écoute, le discernement et l'être ensemble, en partageant la table, les réunions, la liturgie ? Nous devons être attentives et vigilants, exercer notre liberté, notre responsabilité et notre discernement. Et si demain nous n'étions plus là ? Alors soyons aujourd'hui plus que jamais... Ne le laissons pas nous priver de notre fraternité !
 

Répondez par des choix radicaux :

Je disais aux sœurs en vœux temporaires qu'une de mes options est la liberté dans l'utilisation du téléphone portable, de telle sorte qu'il ne me détermine pas, et je leur proposais, en parlant de mon expérience, de prendre le risque de faire le premier pas, sans raccourcis, et de découvrir qu'il est possible de vivre à contre-courant des propositions déshumanisantes de l'ordre établi. Le choix doit être radical et discerné, avec liberté et responsabilité : ne pas emmener le portable à la chapelle, ni à la prière personnelle ou communautaire, ne pas l'emmener à la salle à manger, ne pas l'emmener à n'importe quelle réunion, ni aux rencontres pour vivre pleinement chaque moment, parce que je suis convaincu que la vie est tissée de gestes quotidiens et fraternels qui sauvent la communauté, l'écoute, la communication. Nous apprenons à être, en étant intégralement présents. Et si demain nous n'étions plus là ? Alors soyons là aujourd'hui plus que jamais... Ne les laissons pas nous voler notre fraternité !

Des références qui nous encouragent et soutiennent notre espérance :

Parmi nous, dans la vie consacrée, il y a des sœurs qui sont des témoins fidèles, de vivre avant tout en relation et de recréer leur manière d'être et d'être en communauté, sans le téléphone portable, favorisant ainsi des milieux humanisant et fraternels, discernant les espaces et les temps. Elles nous disent par leur vie que, si c'est possible, quand il y a de la volonté et de la clarté dans le style de vie que nous avons décidé de vivre à la suite du Christ et selon le charisme de leur Congrégation.

Elles sont des leaders et ont de l'autorité parce qu'elles vivent leur choix dans la cohérence, sans faire de bruit, sans s'imposer, mais en étant témoins que lorsqu'on prend des risques, on avance sans raccourcis, parce que Dieu est le seul horizon qui doit inspirer notre manière d'être et d'être dans ce monde fracturé, assoiffé d'humanité et de fraternité.
 

Nous devons prendre conscience et créer cet environnement de liberté et de responsabilité, à partir des plus petits détails, pour sauver notre relation avec Dieu, avec nos frères et sœurs, avec la création et avec nous-mêmes, car si ces relations sont fracturées, tout le reste le sera aussi et nous n'aurons pas la force de répondre au cri des pauvres et au cri de la terre, et encore moins à la conversion écologique que nous espérons tant. Donc, "Que notre oui soit oui et notre non soit non". Car il ne s'agit pas de dire, il s'agit de vivre avec autorité, à la manière de Jésus, avec des gestes humanisants, fraternels et porteurs d'espoir.